Une vingtaine de participantes et de participants sont venus au Café Ignace dans la Maison MAGIS qui nous accueille rue d'Assas dans le 6e.
Paris, une ville qui attire et fascine mais peut s’avérer pesante
Dans ce rendez-vous un grand nombre de participants n’est pas né à Paris. Que ce soit les réfugiés que la maison Magis accueille, Arthur qui a vécu en banlieue proche ou Alba arrivée en France pour travailler après ses études, tous expriment ou se rappellent un sentiment de fascination à l’égard de Paris. Paris apparaît comme une ville de liberté aussi bien de mouvement que politique, comme un lieu d’opportunités professionnelles et de solidarité.
Même si la ville est parfois différente dans la réalité, Paris est enthousiasmante parce que c’est une ville « du monde », « multiculturelle » où l’on peut rencontrer toutes les nationalités et apprendre de toutes les cultures et toutes les religions. Selon la grande majorité des participants cette diversité doit être entretenue en particulier en luttant contre le racisme qui est très ressenti par certains.
Pour les participants qui sont de plus longue date à Paris, le regard n’est pas le même. Paris est souvent vécu comme « une ville de passage : le temps de faire ses études, le temps qu’un bail se termine, les commerces s’ouvrent et se ferment très vite » ; et une ville avec ses contraintes : « on habite rarement à côté de là où on travaille », où l’on est «pressé tout le temps dans une forme d'excitation permanente ». Néanmoins l’atout incontesté de Paris son foisonnement d’activité en particulier culturelles avec « les musées, les avenues, les théâtres », « les discothèques et les espaces verts ».
Paris une ville diverse mais fragmentée
Cette diversité laisse trop souvent place à une fragmentation.Il faudrait plus de continuité dans la ville comme dans les relations entre les gens. Parfois, dans une même grande avenue, on peut rapidement passer de beaux immeubles anciens à de nouveaux immeubles décrépis : cela fait deux villes à deux vitesses, deux mondes parallèles qui ne se côtoient pas, sans flux entre les deux, sans échanges, sans richesses tirées de cette diversité. D’un côté une ville carton-pâte haussmannienne ; de l’autre une ville construite à la va-vite et mal faite.
Certes la diversité des ambiances urbaines est un atout mais la rupture entre les quartiers historiques et les quartiers plus récents, construits à la chaîne donne l’impression de deux Paris, de deux atmosphères différentes, etc.
Un des participants trouve très bien qu’il y ait le choix, entre différentes formes d'habitats (certains veulent du Haussmannien à tout prix alors que l'haussmannien est très peu accessible pour les personnes en fauteuil) et différentes ambiances (par exemple, ceux qui veulent de la fête / du bruit vont à Bastille, ceux qui veulent du calme vont à BNF ; j’ai des amis qui sont allés à Barbès adorent, tandis que j’en ai d’autres qui sont allés dans le 15e ou le 16e). Cela permet également de ne pas se lasser : « si on en a marre de son quartier, on prend le métro 20 minutes et on arrive dans un tout nouveau quartier ». La ville n’est pas uniforme.
Paris, une ville où il est difficile de se loger en raison des prix et de la montée en gamme
Selon un des participants, Paris est effectivement devenu une ville de vieux et de touristes : « j’étais assesseur aux dernières élections et c’est effectivement la population du quartier. Ce n’est pas un problème, mais ça sous-tend un problème : on ne peut plus se loger dans un quartier comme le 6ei si on n’a pas déjà accumulé un patrimoine donc être un vieux cadre supérieur (sauf à avoir la propriété depuis très longtemps et cela a été bien légué) ». Il a dû déménager du 6e pour aller vivre dans le 13e parce qu’il n’avait plus les moyens. Du coup, certains quartiers, très riches culturellement historiquement, comme Saint-Germain, Odéon, Montparnasse, perdent leur âme, leur dynamisme.
Il y a une forte densité à Paris, qui joue sur les prix du logement. Un débat s’est engagé sur l’action de la Mairie pour réguler les meublés de tourisme. Certains mettent en avant la régulation existante et la liberté individuelle d’usage de la résidence principale « tu ne peux pas résilier un bail pour le louer à des touristes, il faut un permis, etc. Et puis la personne, elle fait bien ce qu’elle veut avec sa résidence principale ». D’autres insistent sur le problème posé par ceux qui achètent pour louer à un meublé de tourisme : « À contrario, dans mon immeuble, les meublés de tourisme sont un appel d’air : cela permet à des gens de cumuler une résidence principale et une résidence secondaire alors que, sans cela, il ne le ferait peut-être pas ».
Tous s’accordent sur la conséquence qui est l’augmentation des loyers et les départs de Paris qu’elle entraîne : « Mes parents voulaient des enfants, alors ils sont partis en province. Il y a des gens qui veulent venir à Paris ». « Le problème numéro un, c'est qu'il y a 100 ans, il y avait 3 millions d'habitants. Aujourd'hui, il y a 2 millions d'habitants. Comment peut-on vivre à Paris le temps qu'on veut sans être forcé de partir ?»
Est également évoqué la difficulté de trouver de l’espace pour loger les personnes en difficulté qui sont nombreuses à Paris : «Il y a des personnes en transition qui sont dans des situations compliquées. Il faut leur donner des pistes d'atterrissage. Par exemple, les casernes. Il faut que les personnes qui travaillent à Paris puissent se loger » . Est évoquée la possibilité d’augmenter la rotation dans les logements sociaux.
La diminution du nombre de logements mis en location et surtout la montée en gamme des commerces à Paris renforce ce sentiment d’exclusion économique surtout en période d’inflation. Des hôtels luxueux remplacent des commerces abordables pour les habitants.
Paris, une ville qu'il faut apaiser par la nature, le beau et les mobilités douces
Une participante qui vient d’arriver à Paris a été agréablement surprise de la facilité à se déplacer à vélo dans la ville. Pour une autre, le développement des nouveaux modes de déplacement a beaucoup modifié les usages qu’on peut avoir : je prends mon vélo pour aller au boulot (dans le 13e), cela me raccourcit mon trajet et je découvre de nombreux nouveaux quartiers, avec chacun sa vie propre. Le vélo contribue à créer cette convivialité : cela réduit les temps de trajet, crée des liaisons entre les quartiers et rapproche les gens (même si avec un enfant, les choses changent).
La question des mobilités est ainsi souvent abordée sous l’angle de l’apaisement. « Cela apaise la ville de retirer de la circulation en réduisant la peur de se faire écraser et le bruit, etc. Par exemple, les bus qui ne font pas de bruit, c’est un gros plus. Le bruit agit sur les interactions : si je croise quelqu’un quelque part où il n’y a pas de bruit, je vais m’arrêter. S’ il y a beaucoup de bruits, ça va être rapide. Dans le 13e où j’habite ce n’est pas du tout apaisé alors que dans le 12e où je vais souvent c’est très apaisé ».
Plus qu’une piétonnisation, il est recommandé peut-être plus de sens uniques, avec des voies cyclables pour les vélos, avec des arbres. Cela rend les rues plus agréables, avec plus de gens. Il n’y a pas besoin de rendre les usages exclusifs l’un de l’autre mais réduire un tout petit peu l’espace de circulation pour créer de nouveaux usages. Cela peut passer des zones à priorité piétonne.
L’embellissement progressif de la ville joue aussi dans ce sens d’un apaisement : « Il y a beaucoup de travaux mais ensuite ce sera beau ». Isabelle voudrait un plus grand souci de l'esthétique en ville Arthur est d'accord la beauté de la ville diminue l’agressivité ambiante : « on se sent mieux ».
Les espaces verts contribuent également à cet apaisement et à la construction d’espace de sociabilité. « Avec ma sœur, on a grandi à côté du Luxembourg et le fait qu’il y ait les jardins fait qu’il y a une vie communautaire autour du Luxembourg ». « Les lieux obligatoires à venir pour le compost vont peut-être créer des lieux de rencontre entre les voisins. Piétonniser certaines rues, avec des arbres, qui permettraient de créer du beau et de la vie commune. Cela permettrait également à certains commerces d’avoir des terrasses » en retirant les places de stationnement. « Dans certains quartiers, beaucoup de rues aux écoles, ce qui apaise et permet que cela devienne un lieu de vie. Alors que, dans d’autres quartiers, pas de rues aux écoles, donc il n’y pas de zones de rencontres ». Le fleurissement de Paris est évoqué pour créer un sentiment de nature là où on ne peut pas mettre de grands espaces verts. Cela devrait s’accompagner avec une moins grande visibilité des poubelles et des déchets.
La nécessité de créer des lieux et des événements festifs pour refaire du commun
« À Paris on perd très vite le sentiment de proximité et on peut très vite se sentir très isolé. Par exemple, j’habite à 1h15 de mon travail donc je ne connais mon quartier que le week-end : soit on y vit, soit on y travaille, mais rarement les deux ». Pour certains, en particulier les jeunes actifs, on n’a pas le sentiment de vie de village à Paris. On croise peu ses voisins de palier, on ne connaît pas ses voisins parce que cela change beaucoup - tous les ans ou presque. On ne construit pas de sentiment de communauté.
Les espaces de rencontres manquent et il est important d’en créer de nouveaux comme par exemple la maison Magis qui nous accueille ce soir : « Le MAGIS est un lieu de rendez-vous régulier : on essaie de créer un lieu pérenne, stable, qui sera lieu dans des années, pour que cela soit un point central où les personnes viennent, se croisent, etc ». Un participant mentionne l’importance « endroits intergénérationnels". Cela permettrait aux jeunes d’apprendre de l’expérience des autres et aux personnes isolées d’accepter ce qui peut “rendre vivant” (accepter le regard bienveillant, le petit geste qui peut aider, etc., ce qui habituellement a lieu dans le cercle familial)». Comment trouver ces lieux ? Alba voudrait réduire la place des activités économiques et de commerce pour trouver de la place et ainsi que Paris soit plus une ville à vivre.
Pour une autre participante, ce sentiment de communauté peut être créé à travers un usage beaucoup plus festif de l’espace public. « Pour redonner envie de venir et de rester à Paris il faudrait organiser au moins une fête d’arrondissement / de quartier par an (sur le modèle des fêtes qui sont organisées dans les villes de province)». Certaines personnes sont lassées par le bruit que les gens font dans la rue, mais il faudrait aussi que parfois il y ait des exceptions à l’interdiction de bruits après 22h.
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