Le 29 avril dernier, une dizaine d’habitants parisiens rejoignaient le décors enchanteur et intimiste du Pavillon des canaux pour confier leur regard sur Paris. Au menu des échanges : les conditions de la cohésion sociale à Paris, la jeunesse, le dialogue entre citoyens et élus.
Paris : une ville où le dialogue se perd
La réunion s’est ouverte avec la prise de parole d’une habitante du quartier Ménilmontant. Arrivée il y a plus de 20 ans à Paris, elle a souhaité témoigner du changement d’état d’esprit à Paris : « Les gens étaient plus chaleureux avant. On se rendait des services dans le voisinage, on se parlait. »
Un avis partagé par plusieurs participants. Quand on les a interrogés sur le « pourquoi » de ce changement, ces derniers nous ont pointé la responsabilité de l’école : « Il n’y a pas assez de dialogue dans le milieu scolaire. C’est dommage parce que c’est un endroit où on retrouve des personnes avec des origines très différentes et où on pourrait très tôt apprendre à se connaître et faire ensemble malgré sa différence ».
Une autre habitante, directrice d’une association dédiée à la citoyenneté des jeunes a indiqué qu’elle aussi avait remarqué un changement dans la nature des interactions entre les jeunes : « Auparavant, ils se parlaient beaucoup plus entre eux et passaient au-dessus de leurs différences apparentes. Elle l’explique notamment par une perte de l’habitude au dialogue et en a profité pour souligner la responsabilité de la configuration de la ville : « la ville ne se prête plus à la rencontre et aux échanges dans l’espace public. L’espace où l’on travaille est souvent loin des lieux d’habitation et des lieux de loisir. Il faudrait rapprocher et mélanger davantage ces fonctions pour renforcer la vie de quartier. On pourrait aussi créer des bancs de l’amitié dans l’espace public ».
Une autre participante, originaire d’Angers a quant à elle évoqué la sociologie de Paris, composée d’un grand nombre de personnes venant d’ailleurs et n’ayant pas vocation à rester : « pour ces personnes, ce n’est pas facile de trouver un cadre collectif ou d’engagement dans lequel il est facile de s’insérer sans avoir d’antériorité ou perspectives durables. Ca n’aide pas à créer du lien ».
Des perspectives d’avenir pour les jeunes parfois trop étroites
Pour prolonger les échanges sur les difficultés à vivre en cohésion, ont été pointées les violences commises entre jeunes du fait de la différence de leur quartier d’appartenance.
Pour éclairer ce constat, un jeune homme, autrefois impliqué dans le trafic de stupéfiants a souhaité témoigner : « Le deal et la concurrence créent l’idée d’un territoire à défendre. Ca crée de la violence. Mais le truc c’est que quand t’as une famille à faire vivre, que tu dois payer ton loyer et que t’as pas l’âge de travailler, ben t’as pas forcément 1000 options qui s’offrent à toi ».
Le jeune homme a également souhaité pointer le rôle de la culture pour permettre aux jeunes d’envisager d’autres parcours de vie et environnement : « C’est vrai qu’il y a des choses qui sont proposées pour les jeunes, mais selon d’où on vient, c’est pas évident de se sentir à l’aise, à sa place. La « sociabilisation », c’est quand même un apprentissage. La culture, comme ça passe par l’imaginaire, que ça nous touche, c’est un bon moyen de s’ouvrir à autre chose. Il faudrait nous sensibiliser très tôt à la culture et nous la faire découvrir dans un cadre sécurisant ».
Les projets d’urbanisme parisiens comme illustration de l’état du dialogue entre citoyens et décideurs
Des représentants d’une association de riverains engagés autour des transformations urbaines de leur quartier, également impliqués dans leur conseil de quartier ont quant à eux tenu à évoquer la rupture entre les citoyens et les institutions : « les citoyens ont souvent des propositions pertinentes mais ils ne sont pas entendus. Dans le 18ème, on a souvent pas accès aux documents, les ordres du jour sont décidés par l’élu, ce n’est pas très démocratique. Il y a une peur de leur part de laisser trop de place aux habitants et de ne plus avoir assez de marge de manœuvre pour faire passer leurs décisions. Tout ça conduit à une perte de confiance des citoyens en leurs élus et a une augmentation des tensions. Surtout quand on voit sortir des projets urbains très impactant pour les riverains, avec presque aucune concertation préalable ».
En réponse à cela, les participants ont appelé à multiplier les formats dédiés à penser et décider autour des questions urbaines de façon partagée et démocratiques. Ils ont notamment évoqué les balades urbaines ou encore les ateliers, ainsi que l’importance d’y associer des personnes au profil varié, notamment les plus jeunes.
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