top of page

14 janvier 2025, 18h30 - Rencontre-acteurs de l'urbanisme aux Arches citoyennes (Centre)

  • Photo du rédacteur: Paris Collectif
    Paris Collectif
  • 14 janv.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 juil.


Face à l’urgence climatique, comment adapter la ville avec celles et ceux qui la vivent ?

À mesure que les effets du dérèglement climatique s’intensifient, l’adaptation devient un défi central pour les villes. Paris n’échappe pas à cette exigence. Canicules à répétition, saturation des infrastructures, vulnérabilités sociales accrues, pression foncière et énergétique : dans une ville dense, minérale et inégalement équipée, les réponses ne peuvent se limiter à des ajustements techniques.

Mais adapter la ville, c’est aussi interroger qui décide, avec qui, et au nom de quoi. Aujourd’hui, les dispositifs institutionnels restent trop souvent conçus « d’en haut », sans véritable écoute des habitant·es, et avec une faible prise en compte de leur pouvoir d’agir. Les inégalités d’exposition et de moyens rendent encore plus criante la nécessité d’une adaptation juste, démocratique et collective.

C’est dans cette optique que cette troisième rencontre des acteurs de l'urbanisme parisien a été organisée le 14 janvier 2025. Chercheur·es, professionnel·les de l’urbanisme et de la rénovation, associations de quartier, élu·es locaux, membres de conseils de quartier, habitant·es engagé·es : tous et toutes ont été invité·es à partager leurs constats et expériences.


I. Reconnaître et soutenir les formes existantes d’engagement citoyen


1. Sortir de la logique descendante de la participation

La critique est largement partagée : les politiques publiques sur l’adaptation restent trop descendantes. Elles tendent à considérer les habitant·es comme des cibles à sensibiliser, voire à contraindre, plutôt que comme des partenaires d’une transformation collective. Or, la parole citoyenne est bien présente, mais rarement entendue dans les cadres institutionnels.

Certains rappellent que la colère, l’informalité ou l’émotion dans l’expression ne devraient pas suffire à disqualifier les habitant·es. Ce sont souvent les formats qui ne sont pas adaptés, plus que les gens qui seraient « éloignés ». Créer des espaces où cette parole est recevable, accessible et valorisée est une condition préalable à toute démarche sérieuse d’adaptation.


2. Accompagner le pouvoir d’agir au lieu de le décréter

L’enjeu n’est pas seulement de faire participer, mais de donner les moyens d’agir. Cela suppose un accès à une expertise indépendante, une capacité à comprendre les règles du jeu, à s’organiser, à peser sur les choix. Plusieurs propositions émergent : création de fonds publics pour financer de l’ingénierie citoyenne, mobilisation de chercheur·es pour soutenir les collectifs, développement d’outils d’accompagnement en proximité.

Les exemples ne manquent pas : groupes d’achats alimentaires, vélo-écoles portées par des femmes, associations de médiation dans le logement social… Ces initiatives fonctionnent car elles partent des usages et des besoins réels, et non de principes abstraits.


3. Reconnaître les associations comme actrices, pas comme substituts

Les associations assurent aujourd’hui l’essentiel du lien de proximité avec les habitant·es. Mais leur rôle est fragilisé par des financements insuffisants et des attentes contradictoires. Il leur est demandé à la fois de faire le lien, de sensibiliser, d’accompagner, de remonter les besoins… tout en restant en dehors des décisions.

Ce déséquilibre interroge. Peut-on leur demander de suppléer l’action publique sans leur donner les moyens ni le pouvoir ? Plusieurs participant·es appellent à clarifier les rôles : les associations doivent rester des contre-pouvoirs, des incubateurs d’alternatives, pas des sous-traitants des politiques existantes.


II. Rendre possible l’adaptation du bâti : obstacles, outils, conditions


1. Une attente forte, freinée par de nombreux blocages

La rénovation énergétique s’impose comme une nécessité partagée. Mais les blocages sont nombreux : lourdeur des démarches, tensions dans les copropriétés, faible formation des syndics, exigences patrimoniales contradictoires, manque de visibilité des aides… Les récits partagés montrent que le passage à l’acte est souvent décourageant, même pour des habitant·es motivé·es.

Dans le parc social, des efforts sont engagés, mais la concertation reste lacunaire. Trop souvent, les projets sont pensés en surplomb, sans prise en compte des usages, des rythmes de vie ou des priorités des locataires.


2. Des dispositifs insuffisamment appropriés

Des outils comme CoachCopro, les diagnostics techniques globaux (DTG) ou les aides financières régionales existent, mais restent peu connus, peu accessibles ou mal adaptés. Ils ne permettent pas d’accompagner finement la diversité des situations, ni de répondre aux obstacles psychologiques, relationnels ou sociaux.

Un constat revient : le « dernier kilomètre » manque. Il faut du lien humain, de la médiation, des référent·es, des formats lisibles, et surtout du temps. L’ingénierie ne suffit pas sans une pédagogie de la transition au quotidien.


3. Penser à l’échelle du quartier et de la métropole

L’adaptation du bâti ne peut se penser immeuble par immeuble. C’est à l’échelle du quartier que les synergies se construisent : mutualisation des moyens, partage d’expériences, relais associatifs, gestion collective. À l’échelle métropolitaine, plusieurs alertent sur les effets pervers des grands projets concentrés aux portes de Paris, où se cumulent densité, précarité et exposition à la pollution.

Certains posent une question simple : continue-t-on à construire des logements en bordure du périphérique comme si de rien n’était ? L’adaptation doit aussi être spatiale : il ne s’agit pas seulement de changer la ville, mais de changer ce qu’on accepte pour qui, et où.


III. Refonder le rôle de la puissance publique


1. Agir sans désinvestir

La réunion a fait émerger un malaise face au désengagement progressif des institutions. Les associations font, les habitant·es s’organisent, mais où est la Ville ? Où sont les services publics ? Trop souvent, l’État ou les collectivités agissent par appels à projets, délèguent sans soutenir durablement, ou multiplient les dispositifs sans cohérence d’ensemble.

Il ne s’agit pas de tout faire à la place des habitant·es, mais d’assumer un rôle d’animation, de coordination et de soutien structurant. Cela suppose de sortir des approches thématiques cloisonnées (mobilités, déchets, énergie…), et de mettre en place des espaces de coordination transversaux, capables de réunir services, habitant·es et acteurs de terrain.


2. Rendre les décisions transparentes et compréhensibles

Un besoin fondamental traverse les échanges : la lisibilité démocratique. Beaucoup de décisions paraissent prises en amont, à huis clos, ou avec un langage incompréhensible. Cela alimente une défiance profonde, et empêche l’appropriation collective des enjeux.

Repenser la manière dont la puissance publique rend compte, explique, co-construit, est aussi une condition d’efficacité. Car une politique, même bien conçue, ne fonctionne pas si elle n’est pas comprise, soutenue, portée.


IV. Vers un imaginaire désirable de la transition


1. L’adaptation, ce n’est pas seulement des normes

Une idée forte est revenue à plusieurs reprises : on ne mobilise pas autour d’une contrainte, mais d’un désir. Si l’adaptation est vécue comme une succession d’interdits, d’obligations techniques ou de dépenses contraintes, elle suscite rejet et passivité. En revanche, si elle est portée comme un projet collectif, habitable et juste, elle peut devenir une source d’enthousiasme.

Cela suppose de valoriser les pratiques existantes, de reconnaître ce qui marche déjà, de donner du souffle aux politiques publiques. Il faut redonner envie d’agir, en montrant ce que l’adaptation peut apporter de mieux.


2. Laisser des espaces ouverts à l’appropriation

Enfin, plusieurs interventions ont défendu l’idée que la Ville ne devait pas tout organiser, tout cadrer. Parfois, il suffit de laisser faire : libérer des espaces, faire confiance, sortir de la logique d’appel à projets avec cahier des charges. Certaines formes d’action citoyenne naissent dans les interstices, à condition qu’on leur laisse la place.


Conclusion. Pour une adaptation co-construite, juste et vivable

Cette rencontre a montré la richesse des savoirs de terrain, la diversité des expériences, et l’envie d’agir présente dans tous les quartiers. Mais elle a aussi révélé des freins structurels puissants : déséquilibres dans la gouvernance, obstacles techniques, manque de reconnaissance, cloisonnement des politiques.

Adapter Paris au changement climatique ne se fera pas par décret, ni sans celles et ceux qui y vivent. Il faut refonder les modalités de l’action publique, soutenir les espaces d’initiative, et construire une transition qui ne soit pas subie, mais choisie. Une transition désirable, qui relie les échelles, les savoirs, les territoires, et donne à chacun·e les moyens d’y contribuer.

 
 
bottom of page