2 avril 2025, 19h - Les Phénomènes (17e). J'irai débattre près de chez vous
- Paris Collectif
- 2 avr.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 avr.
Le mercredi 2 avril, une vingtaine d'habitant.e.s du 17e arrondissement se sont réuni.e.s au bar Les Phénomènes afin d'échanger sur les enjeux de leur quartier.
La discussion a permis d'établir plusieurs constats et d'identifier des perspectives et pistes d'action.
CONSTATS
L'image de Paris : entre attractivité et difficultés
Paris continue d'exercer une forte attraction grâce à son offre culturelle exceptionnelle et son statut de "ville Lumière". Pour nombre de participants, l'image initiale de Paris était celle d'une destination touristique prestigieuse, dotée de musées et d'une richesse culturelle incomparable.
Cependant, cette image s'est confrontée à la réalité d'une métropole dense, parfois perçue comme inhospitalière pour les nouveaux arrivants. Plusieurs participants ont évoqué un sentiment de violence urbaine à leur arrivée : foule, anonymat, et parfois rudesse dans les relations interpersonnelles. L'adaptation à cette réalité parisienne constitue souvent un défi pour ceux qui s'installent dans la capitale.
La problématique centrale du logement
La question du logement est apparue comme la préoccupation majeure des habitants. Paris devient de plus en plus une ville réservée aux privilégiés, excluant progressivement les classes moyennes et populaires. Cette situation est particulièrement critique dans le 17e arrondissement.
Le marché immobilier parisien est décrit comme ayant "complètement dévissé", avec des loyers prohibitifs (pas de studio en-dessous de 700 euros) et une concentration inquiétante de la propriété : selon une participante, la moitié du parc parisien serait détenue par des personnes possédant cinq logements ou plus. Ces multi-propriétaires gèrent leurs biens comme des capitaux à rentabiliser plutôt que comme des logements destinés à être habités.
La vacance de nombreux logements a été dénoncée, certains propriétaires ayant les moyens de laisser leurs biens inoccupés pendant plusieurs mois. Le non-respect de l'encadrement des loyers constitue également un problème, avec un non-recours aux droits généralisé face à des propriétaires peu scrupuleux.
Cette situation contraint de nombreuses familles à quitter Paris dès l'arrivée d'un premier enfant, entraînant une baisse démographique qui se traduit notamment par des fermetures de classes dans les écoles publiques.
Une ségrégation spatiale et sociale croissante
Le 17e arrondissement est marqué par une profonde ségrégation socio-spatiale. Deux Paris coexistent sans se rencontrer : d'un côté, les quartiers bourgeois du sud et du centre de l'arrondissement, de l'autre, les quartiers populaires des "Portes" au nord.
Cette division s'exprime également dans la fréquentation des établissements scolaires. La fuite vers le privé des familles aisées accentue le manque de mixité dans les écoles publiques. Comme l'a souligné un participant né dans l'arrondissement, si la gentrification a pu donner l'illusion d'une amélioration urbaine dans certains quartiers, elle s'est accompagnée d'une érosion de la mixité sociale qui existait auparavant.
Les habitants des différents quartiers ne fréquentent pas les mêmes commerces, n'envoient pas leurs enfants dans les mêmes écoles et ne participent pas aux mêmes activités associatives. Cette situation fragmente le tissu social et renforce le sentiment d'entre-soi.
Une nature urbaine insuffisante et mal répartie
Le 17e arrondissement souffre d'un manque significatif d'espaces verts, même si quelques parcs et squares de qualité existent. Selon plusieurs participants, la mairie d'arrondissement n'a pas de politique volontariste en matière de végétalisation, contrairement à d'autres arrondissements parisiens.
Le parc Martin Luther King fait figure d'exception, mais il est présenté comme "une erreur de la nature", fruit d'une opération immobilière plutôt que d'une véritable volonté politique. Néanmoins, ce parc et son jardin partagé sont devenus des lieux importants de reconnexion à la nature et de mixité sociale.
Face au changement climatique, la nécessité de développer la présence de la nature en ville est devenue cruciale, tout comme celle de repenser notre rapport à l'alimentation.
Une vie associative sous contrôle
La vie associative dans le 17e est décrite comme peu dynamique et largement tributaire des bonnes grâces de la mairie d'arrondissement. Selon un participant, les associations ne peuvent "exister et survivre" qu'en faisant allégeance au pouvoir municipal.
Cette situation engendre un manque de cohésion et de dynamisme collectif. Les fêtes de quartier sont rares et les occasions de rencontres entre habitants de milieux différents trop limitées. Quelques exceptions existent néanmoins, comme le jardin Martin Luther King ou la ressourcerie des Batignolles, qui parviennent à créer une véritable mixité sociale.
Des enjeux de mobilité et d'inégalités territoriales
Les disparités de traitement entre les différentes lignes de métro illustrent les inégalités territoriales. La ligne 13, empruntée majoritairement par des populations modestes, est insuffisamment entretenue, contrairement aux lignes desservant les quartiers plus favorisés.
La politique de réduction de la place de la voiture en ville se heurte à de fortes résistances dans les quartiers bourgeois, où certains résidents tiennent à conserver leurs véhicules SUV. Cette situation place la mairie d'arrondissement dans une position délicate, "tributaire de ces populations".
Un contexte politique tendu
Le climat politique du 17e est marqué par une montée des extrêmes-droites : d'une part le Rassemblement National dans les quartiers populaires, d'autre part une droite identitaire et conservatrice dans les quartiers bourgeois.
Plusieurs participants ont évoqué un "racisme décomplexé" et une forme de "fascisation" des classes moyennes supérieures et bourgeoises, alimentée par un contexte médiatique anxiogène. Cette évolution s'inscrit dans une lutte des classes qui s'intensifie, avec une concentration accrue des capitaux et une élite "qui a de plus en plus peur".
Le maire du 17e, bien que décrit comme accessible au dialogue, est présenté comme cédant régulièrement aux sirènes de cet électorat conservateur pour préserver sa base électorale.
PERSPECTIVES ET PISTES D'ACTION
Agir sur le logement pour recréer de la mixité
La question du logement apparaît comme le levier principal pour reconstruire une mixité sociale dans l'arrondissement. Plusieurs pistes ont été évoquées :
Inciter les propriétaires de logements vacants à les remettre sur le marché, notamment par une taxation dissuasive des logements vides et des résidences secondaires.
Aider les propriétaires à réhabiliter leurs biens contre un engagement de mise en location à des tarifs accessibles.
Préempter certains immeubles pour les réhabiliter et créer des logements accessibles.
Transformer des hôtels sociaux en logements pour jeunes travailleurs ou étudiants, gérés par des associations.
Si certains participants ont évoqué l'idée d'interdire la multipropriété, d'autres ont souligné le caractère probablement anticonstitutionnel d'une telle mesure, préférant se concentrer sur la taxation des logements vacants.
Repenser la carte scolaire pour favoriser la mixité
Face à la ségrégation scolaire, les participants ont suggéré de s'inspirer d'expériences menées dans d'autres arrondissements, comme le 18e, où des initiatives de brassage entre collèges et lycées ont permis de réduire le sentiment d'exclusion.
La question des établissements privés a également été soulevée : tant que 30% des familles fuiront vers le privé, aucune mixité réelle ne pourra être créée dans les établissements publics. Une réflexion globale sur les mécanismes de ségrégation scolaire est donc nécessaire.
Un système de péréquation financière entre les écoles a également été proposé pour permettre à tous les élèves de bénéficier des mêmes opportunités, indépendamment du quartier où ils sont scolarisés.
Développer des lieux de rencontre et de pratiques culturelles
Pour reconstituer du lien social entre les différents quartiers et populations de l'arrondissement, la création de lieux accessibles à tous est apparue comme une priorité :
Développer une Maison des Pratiques Artistiques Amateurs (MP2A) dans le 17e, à l'image de ce qui existe dans d'autres arrondissements.
Multiplier les structures de quartier permettant des rencontres entre habitants d'horizons divers.
Créer davantage d'événements culturels et sportifs pour favoriser les échanges entre quartiers.
L'accès à la culture a été identifié comme un puissant vecteur de mixité sociale. Un participant a proposé de renouer avec une pratique qui permettait autrefois aux élèves de bénéficier de places gratuites dans les grandes institutions culturelles parisiennes.
Repenser la sécurité comme facteur de lien social
En opposition à la doctrine sécuritaire de la mairie actuelle du 17e arrondissement (vidéosurveillance et armement de la police municipale), les participants ont proposé une vision alternative. :
Développer une police de proximité, présente sur le terrain et en dialogue avec les habitants et les associations.
Utiliser la police municipale comme facteur de lien social plutôt que comme force répressive.
Lutter contre les rixes entre jeunes par la médiation et le développement d'activités partagées.
Certains participants ont toutefois exprimé leur préférence pour une police exclusivement nationale, composée de fonctionnaires d'État, non-soumis aux ordres d'une mairie, sans que cela soit contradictoire avec l'idée d'une police de proximité.
Promouvoir la justice sociale et environnementale
Plusieurs propositions visent à améliorer le quotidien des habitants en situation de précarité :
Développer la sécurité sociale alimentaire pour garantir l'accès de tous à une alimentation de qualité.
Imposer le bio dans les cantines scolaires.
Créer des parcours d'intégration sociale pour les jeunes des quartiers populaires, notamment par le sport.
Soutenir les associations isolées des quartiers périphériques et créer des ponts avec les autres quartiers.
En matière environnementale, l'adaptation aux changements climatiques a été identifiée comme un enjeu majeur, nécessitant davantage d'espaces verts et une politique plus ambitieuse de végétalisation.
Une cliente du bar Les Phénomènes, qui écoutait les échanges, a proposé la création de parcs à chats, notamment dans le parc Martin Luther King où elle et plusieurd de ses voisines n'ont pas le droit de promener leurs chats.
Construire une alternative politique crédible
Face à une mairie d'arrondissement jugée conservatrice, les participants ont souligné la nécessité pour la gauche de porter un récit alternatif clair sur les questions du logement, de la mixité sociale, de l'école et de l'environnement.
Ce récit devrait s'appuyer sur une vision transversale pour l'ensemble du 17e, dépassant les clivages entre quartiers et proposant des solutions concrètes aux habitants confrontés à la cherté de la vie parisienne.
L'objectif serait de recréer une dynamique collective capable de rassembler les habitants autour de projets communs, en s'appuyant notamment sur les enfants et les jeunes pour "casser les imaginaires" et recréer du lien entre les différentes communautés.
De nouvelles actions en ce sens seront proposées par le groupe local Paris Collectif du 17e arrondissement dans les semaines à venir.
Vous souhaitez construire un 17e solidaire, écologique et participatif ? Rejoignez le groupe local du 17e : https://chat.whatsapp.com/DDxunouqSFuFwa0bT3EAx8.
Pour toute question, contactez Karim, référent du groupe local 17e : 06 59 54 77 14.
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